Est-ce que quelqu’un, quelque part, pense à moi quand il marche sur la pointe des pieds?

Je bois du café en capsules, je me shoote à coups de granules, je vis ma vie dans du papier-bulle. Je roule une bosse symétrique où midi sépare la poutine, telle une raie habilement tracée au peigne en plastique métallisé.

Ma vie est une rosette organisée, un tourbillon amassé, un long cheveu torsadé dans un bol de thé pas sucré.

Et je pense à lui quand je mange du caramel. Parce que sa peau. Et je souris de lui quand je vois des pommes et qu’elles sont vertes. Parce qu’il les aime.

Et quand je me vois moi, je ne pense pas.

Quand je vois une moustache, quand j’ai des spasmes juste avant le dodo, quand ma chanson préférée murmure, quand je sens l’odeur du gin. Ou quand je marche en pointant dans mes pieds de bas. Je ne pense à rien.

J’aspire à valoir la peine par d’autres chemins que le mien. L’étincelle dans mes yeux ne vaudra jamais mon reflet dans les siens, mon corps ne sera jamais aussi chaud que sous ses mains, mon sexe, jamais aussi beau qu’en son sein.

Mais est-ce que quelqu’un, quelque part, pense à moi quand il marche sur la pointe des pieds?

Est-ce que quelqu’un, quelque part, pense à moi quand il marche sur la pointe des pieds?

Je vois ta peau frêle et tes membres…

Je vois ta peau frêle et tes membres blancs
Que je ne peux toucher.
J’entends ton regard glacé et tes soupirs amers
Que je ne peux endurer.

T’as peur de moi et j’ai mal de toi.

J’ai mal de ton souffle
De ta peau
De ton regard
J’ai mal de tes bras qui baissent
Et aussi de tes lèvres qui ne baisent plus non plus.

T’as peur de toi et j’ai mal de moi.

Je t’envie dans une étreinte chaude
Dans des mots qui font du bien aux maux,
Aux jambes
Aux corps et au coeur.
Je t’envie d’une empreinte douce,
Une caresse qui ne fait ni mal à toi, ni mal à moi
Un bras de fer qui fait peur à personne.

T’as peur de moi,
Et j’ai peur de ne plus te toi.

État

Je me sens comme un petit enfant, qui court et courtise

l’attention, l’affection, la passion

fixant, du bas, les grands, les yeux gros, la tête haute, attendant quelque chose qu’il ne connait pas mais dont il a besoin.

Ultime confirmation, fondamentale approbation, indiscutable déclamation

musique déclarative à mes oreilles de pute et à mon corps de jute

« Tu vaux la peine. »

En passant

Ça roule

Ça roule. Tout roule, ça coule, roucoule. Et ça mouille et zigouille. Et je perds la boule. La vie me roule dans la bouche comme quelque chose que je n’aime pas. Quelque chose qui n’est pas naturel pour moi, quelque chose que je n’ai jamais mangé. La vie me roule dans la gorge et je coule, recoule et découle dans une abime abyssale, une abysse abimée. J’écris tous les mots dans ma tête et j’y cris tous les maux dans mes mains, dans ma nuque et dans mes reins d’eunuque. Dans mes reins d’agace, dans mon agave agacée. J’écris tous les maux de mon corps et ça ne suffit plus, ça fait plus ou moins mal, et c’est plus ou moins intéressant.

Mais tout roule, tout coule, en dehors des maux de corps et des mots de boules.

Je me sens vide et j’ai besoin d’être plein. Empli et puis vidé et puis rempli jusqu’à rebord. Et puis revidé et rerempli jusqu’à débordement. J’aime prendre des grandes bouchées car je me sens moins vide. J’aime en avoir pour mon argent quand je mange, et si je peux me remplir sans rien donner en retour, c’est encore mieux. J’ai la bouche, et le ventre, et les reins et la boule bien remplis et je ne vide rien. Et ensuite un rien me vide et on recommence. À quoi ça sert de se vider, pour se remplir encore plus? Ça rassure. Et ça étire. Et ça fait toujours plus mal, mais ensuite ça fait toujours plus de bien. Mais plus on fait de place pour le plein, plus on fait de place pour le vide. C’est juste logique.

Mais tout roule, tout coule, ce n’est qu’un mal de cœur, une chair de poule.
Un coup au corps, un homme qui s’écroule.

Ça roule

Bye, bye, ma Biche

Des milliers de millions de mots

Traversent ma peau;

Je l’ai perdu.

Des milliards de millions d’ongles

détruisent mon ventre.

Il ne m’aime plus.

Et ça me fait mal à la tête

Et ça me fait mal au coeur

Aux oreilles

Aux pieds

Aux dos et dans les reins.

Il ne m’aime plus.

Je l’ai perdu.

Ses lèvres me cassent la gueule

Ses yeux vides remplissent ma tête.

Je suis un animal farouche devant les phares d’une voiture déterminée.

J’ai les idées qui sont une boîte à images

Mais aucune ne vaut les milles maux.

Il me fait les 400 coups de gueule,

Et il me heurte.  Frappe.  Lutte.

Laisse pour mort.

Bye, bye, ma Biche